Dans l’univers de Teresa Arroyo Corcobado

De l’autre côté du carrousel est un album qui invite au jeu et un ravissement pour les yeux. Il encourage les enfants à dépasser leurs peurs grâce au pouvoir de l’imagination. C’est aussi le premier livre de l’illustratrice bruxello-espagnole Teresa Arroyo Corcobado, qui nous parle de sa façon de travailler, de ses peurs d’enfant et de ses influences.

Quel parcours t’a menée à l’illustration ? 

Je suis fille unique et je me souviens que toute enfant déjà je créais mon petit univers dans ma chambre. J’y faisais toutes sortes de bricolages. Par la suite, le fait d’avoir un oncle architecte a déclenché chez moi une passion pour le dessin : je ne dessinais que des plans de maisons avec leurs pièces et leurs meubles et pour finir je créais une annonce publicitaire : je me voyais architecte et agent immobilier en même temps… 

J’imaginais devenir architecte d’intérieur… et j’ai finalement choisi une école de graphisme et la communication visuelle à Madrid. Ensuite, à la recherche de techniques plus manuelles, j’ai commencé des études d’art, d’abord à Édimbourg et puis à Grenade. Comme l’illustration m’intéressait de plus en plus, j’ai décidé de faire un Erasmus à L’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. J’ai poursuivi par un master et je suis toujours à Bruxelles, six ans plus tard.

Cette histoire de carrousel est très proche du ressenti de l’enfant. Comment t’est-elle venue ? 

J’avais envie de parler de la peur de l’enfant de se perdre, de se retrouver tout seul. Je voulais traiter le sujet d’une manière un peu décalée, donner vie aux peurs, mais sans être catastrophiste. Pendant les vacances j’en ai discuté avec ma mère. On parlait de notre enfance, de ses peurs d’enfant, des miennes. Je n’ai jamais aimé la foule et apparemment c’est le cas de beaucoup d’enfants. Elle m’a raconté que quand elle allait à la foire et montait sur le carrousel, elle ne quittait pas ses parents des yeux car elle avait peur de ne plus les retrouver. Je me suis rappelée que moi aussi je levais la main quand je passais à côté des miens. C’est comme ça que l’histoire m’est venue et qu’elle a commencé à prendre tout son sens. Une fois que j’avais décidé que le carrousel allait être un élément fondamental de mon histoire, je me suis dit que la foire m’offrait un univers visuel inépuisable à exploiter. Ce cadre-là m’a permis aussi de donner libre cours à mon imagination.

Quelles sont les images qui t’influencent ?

Mes grands-parents habitaient à Madrid et on allait très souvent leur rendre visite. Ils vivaient à côté de la fondation Juan March et je me souviens que nous sommes allés voir une exposition de Kandisky. J’ai adoré. Je garde ce séjour là comme un de mes plus beaux souvenirs de Madrid. Plus tard, j’ai découvert Chagall, qui est aussi devenu une référence pour moi. En tant qu’illustratrice je suis influencée par le travail d’artistes comme Paul Cox, Yara Kono, Roger Duvoisin, Yann Kebbi, Fredun Shapur, Jesús Cisneros…ou du peintre écossais George Birrel.

Tu travailles manuellement puis sur ordinateur. Concrètement, comment cela se passe-t-il ?

Une planche commence toujours par une idée, un concept ou une phrase. A partir d’une réflexion je crée une image dans ma tête et j’en fais un rapide croquis sur papier, juste pour ne pas oublier cette idée visuelle. Ensuite, je fais une liste des éléments que j’aimerais faire apparaitre dans mon image et je crée chaque élément de manière individuelle : d’abord je le dessine sur papier en faisant des masses de couleurs, puis je le scanne et le retravaille à l’ordinateur. Une fois que je commence à avoir suffisamment d’éléments dessinés, je les assemble et les regroupe. Je teste, je bouge chaque petit dessin sur l’écran, je le mets là, puis là, et finalement je trouve qu’il va bien là-bas. 

Je vois l’écran de mon ordinateur comme une grande planche, sur laquelle j’étale tous mes dessins et puis, en jouant, je crée mon image finale. Donc même si au départ j’ai en tête une image concrète, qui me sert de support pour démarrer, une partie du processus fait place à la spontanéité et parfois au hasard.